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عبد الرحيم بنسعيد- المغرب[1] |
الهايكو والترجمة
Le(s) haïku(s) et la
traduction[2]
:Introduction
D’après le dictionnaire le Nouveau
Petit Robert, le haïku est : « [ajku] n.m.1922, mot japonais, est un
poème classique japonais de dix-sept syllabes réparties en trois vers (5-7-5) »
Le haïku, né au Xème
siècle au Japon, est dans sa forme classique un poème en trois vers. Il est
considéré comme l’une des sources d’inspiration les plus condensées du « poème-instant
» dans la poésie contemporaine.
Le XXIème siècle
accentue donc ce phénomène en raccourcissant le poème jusqu’à une brièveté
extrême. La tendance à la raréfaction de la parole et à sa densification
s’explique par le fait que la poésie brève, laconique semble dire moins pour
faire entendre plus. Le haïku, s’inscrivant parfaitement dans cette mouvance,
ne cesse de susciter de plus en plus l’intérêt des recherches académiques, il
véhicule, à l’heure de la fuite dans le virtuel et au temps de la brièveté et
de la condensation non seulement un grand nombre d’émotions partagées,
d’instants fugitifs captés et immortalisés mais également fait passer des idées
et des pensées durant tout son voyage dans l’histoire et entre les peuples.
:Les problèmes de traduction des haïkus
Concernant les principales
difficultés liées à la traduction de la poésie en général et du haïku en
particulier, nous pouvons citer dans ce cadre : l'allitération, les
significations multiples d'un mot (la polysémie), les archaïsmes, les phrases
interrogatives, la rime, la syntaxe, la concision, les figures de style, les
nuances l’implicite, le non-dit…
Nombreux sont ceux
qui prétendent qu'en poésie, il est question de « faire à nouveau » et non pas
de refaire en fonction de l'original. Certains affirment qu'en traduction
poétique, il s'agit plutôt d'adapter le texte selon la compréhension qu'il
inspire, plutôt que de le traduire pour l'exactitude du message.
Des pratiques
subjectives se présentent à un traducteur qui, chaque fois, opère ses choix en
fonction de convictions personnelles, qu'elles soient explicitées ou non. Quand
on pense à un poème, on pense à l'intensité, au rythme, aux images, bref, à un
travail intense sur la langue qui, sans être absent de la prose narrative, joue
un plus grand rôle en poésie. Presque tous les chercheurs en traductologie ne
s'entendent pas sur l'intraduisibilité de la poésie en général et du haiku en
particulier ou au contraire sur sa surtraduisibilité[3], mais il
semble y avoir consensus quant à la notion de choix.
Effectivement, en prose comme dans le langage poétique, il faut
choisir et c'est justement de là qu'émanent les difficultés, mais aussi les
manifestations de créativité et d'inventivité.
Il
est à noter que plusieurs facteurs montrent la complexité et la grande
difficulté dans la traduction d’un haïku :
-Un haïku est bref, concis : composé de quelques
mots ‘concentrés’, le haïku, une fois traduit, risque de perdre cette
concision acquise dans sa langue originale. Il faut donc expérimenter plusieurs
choix pour trouver le mot ou le concept adéquat.
-Un haïku est généralement écrit en 3 vers, cette organisation peut
être soumise à une perturbation lors de l’acte de traduction.
-Dans un haïku, le 3ème vers marque généralement un instant
d’étonnement d’où l’appellation du haïku « l’art de l’étonnement ».
Mais, parfois traduit, le haïku perd cette belle éclosion, ce charme attendu à
savoir l’étonnement suggéré ou clairement cité.
-Le texte traduit garde-t-il toujours ce principe d’acceptabilité
dans la langue cible ? Certains disent que la poésie, par
définition, est intraduisible. Seule est possible la transposition
créatrice.
-Difficulté de traduire des mots authentiques qui ont des charges
locales profondes dans la culture et la civilisation marocaines, on peut citer
à titre exemple la hogra, le méchoui, l’Aïd El Kébir, l’Achoura…
-Comment faire une harmonie entre la spontanéité (propre au haïku)
et le travail de la langue exigé dans le haïku en tant que poème.
-Comment harmoniser la captivité propre au haïku d’un instant
imprévu, volatile et la poéticité que doit garder un haïku en tant que poème.
-Un autre élément à ne pas négliger : il s’agit du point de vue de
certains critiques qui inscrivent leurs approches surtout dans la problématique
classique de la fidélité et de l’infidélité. Sommes-nous fidèles ou infidèles
aux haïkus sources ?
De plus, si l’acte de traduction est en soi complexe
et a bien des égards problématiques, le cas particulier de la traduction
poétique, on l’imagine, l’est à un degré extrême. Aux difficultés relatives aux
significations, qui ne se recoupent que partiellement d’une langue à l’autre,
s’ajoutent en effet celles qui tiennent aux propriétés matérielles et formelles
de la langue et à la métrique propre à chaque tradition. Ces propriétés ne se
retrouvent pas d’une langue à l’autre (par exemple, le vers français est
syllabique, alors que le vers anglais est accentué) ; en même
temps, elles concourent - si elles ne sont pas tout bonnement
l’essentiel - à la dimension poétique d’un texte. Si la traduction de
prose est problématique, la traduction poétique semble, dans certains cas, impossible.
Christine Lombez dit que la
traduction devient parfois « un mi-chemin entre réécriture et
traduction. » Enfin, la traduction littéraire doit reconstituer les atouts
artistiques du texte original et doit trouver l’effet esthétique dans le texte
cible.
Ainsi, plus il y a un
décalage culturel, temporel, géographique, historique, politique…, plus il faut
être prudent dans l’acte de traduction car la traduction d’un texte littéraire
et surtout d’un poème bref comme le haïku est fort complexe.
Dans le tableau ci-dessous, nous avons essayé de rassembler quelques idées clés auxquelles il faut prêter attention lors de la traduction d’un haïku :
Traduire un haïku
Ce n’est pas seulement |
Mais surtout |
Une structure |
L’effet qu’elle produit |
Mots et idées |
Culture et civilisation |
Une fidélité aux mots, au vocabulaire, à la grammaire |
Une fidélité au texte |
Une fidélité à l’expression du texte |
Une fidélité à l’esprit du texte et au génie du poète (originalité) |
Une simple transmission |
Une filiation à des idées et des goûts |
Expression et adéquation |
Adaptation et transfert |
Une reproduction |
Une créativité |
Il est conseillé aussi que la traduction
d’un poème voire d’un haïku ne soit pas pratiquée par de simples interprètes ou
par des machines traductrices comme le moteur Google traduction ou par l’intelligence
artificielle (l’IA) mais plutôt par des écrivains ou des poètes bilingues
ou des personnes qui maitrisent la langue d’origine et la langue cible et qui
ont manié la traduction.
En outre, d’autant plus dans un monde
de plus en plus globalisé, le travail du traducteur n’est pas simplement de
faire passer un message d’une langue vers une autre mais cela implique
également une tâche ardue de compréhension, d’analyse, de perception et de
développement interculturel.
Ainsi, la traduction littéraire et poétique
n’échappe pas à cette approche interculturelle. Le traducteur doit posséder les
outils et les compétences nécessaires pour comprendre la complexité et
l’importance du texte littéraire original, mais il doit aussi être en mesure de
transposer la version originale d’une culture à une autre. La mission du traducteur sera ainsi d’éliminer la
barrière de la langue et d’insérer le texte littéraire ou poétique dans une
autre culture.
:Conclusion
En guise de conclusion, dans la traduction en général et du haïku en particulier, nous devons veiller à non seulement bien traduire mais également à préserver la beauté relative au haïku. La traduction ne doit pas se transformer en une conversion automatique de mots : il faut dans ce cadre se méfier des dérapages lors de l’acte de traduction du moteur Google traduction et de l’intelligence artificielle. On doit au maximum garder la poéticité et la concision, tout ceci montre que l’acte de traduction d’un haïku n’est pas une opération facile comme certains le pensent.
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[1] Docteur en Littérature, Chercheur en haïku et poésie
[2]
Communication présentée à la 11ème
édition du Congrès International Haiku
World Association
(21, 22 et 28, 29 Septembre 2024)
[3] La surtraduisibilité est le concept
selon lequel un texte littéraire, un poème particulièrement, peut
revêtir plusieurs sens et être traduit selon l'interprétation que l'on fait de ses divers sens.